Interview

Publié le par Mars#04

Interview de Sniper par R.A.P & R.N.B

 

R.A.P R&B : Ca fait 2 piges qu'on s'est pas revus. Depuis, qu'est-ce qui s'est passé ?


Blacko : Des hauts, des bas, des milieux, des attaques en justice... On n'a pas lâché l'son. Mais ça nous a un p'tit peu perturbé de s'retrouver dans différents tribunaux. T'as l'impression que t'es dans la série télé de TF1 ! Au bout d'un moment, ça rend ouf ! Même intérieurement dans l'groupe on a traversé des bas. Que ce soit entre les 4 à l'époque ou les 3 maintenant, y a eu des galères. On a fait des p'tits réglages techniques...
Tunisiano : Toutes ces p'tites histoires, ça nous a pris du temps. A l'heure d'aujourd'hui, on est encore dans des procès. On a été acquittés par la cour d'appel, mais y a encore des procédures en cours. On va voir ce que ça va donner... En multipliant les procès, ils ont essayé de nours épuiser psychologiquement et financièrement. Parce qu'à chaque fois, ils changent les chefs d'inculpation. Un coup on était antiblancs, un autre coup on était antiflics... Après, ils disaient qu'on appelait à l'émeute. En nous harcelant comme ça, c'était une façon d'inciter à ce qu'on s'autocensure et qu'on mette de l'eau dans notre vin.


R.A.P. R&B : Justement, aujourd'hui, vous n'êtes plus que 3. A quoi c'est dû ?


Blacko : A une mauvaise entente humaine. Ca passait plus, quoi, au niveau artistique comme humain. C'est sans regrets, sans remords...
Aketo : C'est la vie. Comme dans toutes les familles, y a des disputes...
Tunisiano : Y a pas de raison vraiment précise. C'est pas important d'en parler...



R.A.P. R&B : Et avec vos producteurs, Desh Musique, vous aviez quelques difficultés ? Ca s'est arrangé ?


Blacko : On était partis en guéguerre avec eux. On a essayé de péter le contrat qui nous liait à eux. On a commencé à engager des procédures, des longs machins qui se sont ajoutés aux histoires avec Sarkozy...
Aketo : C'était 2 ans de maux de têtes en vrai ! 2 ans de prises de gueules. Donc ça nous a fait du bien de sortir la tête de l'eau...
Blacko : On s'est dit : Vas-y, on fait l'album. Et selon notre contrat, c'est le dernier qu'on doit à Desh. Après, tout le monde est free. Chacun pourra faire ce qu'il veut, signer où il veut. D'ailleurs c'est peut-être le dernier Sniper, vu qu'après on veut faire des carrières solos...



R.A.P. R&B : Y a plein de trucs qui se sont passés en 2 ans, comme dernièrement les événements en banlieue, les histoires avec Sarkozy, et on vous a pas trop entendus...


Aketo : Par rapport à tous ces trucs-là, on a réagi dans l'album...
Blacko : On a fait un morceau qui s'appelle Brûle. Mais c'est pas : Ouais, va brûler un camion ! C'est dire : Voilà, si ça brûle, qui a donné l'essence, le briquet et les allumettes ? A la base, ce morceau, on l'avait fait sur la mix-tape de notre ancien Dj, On revient choquer la France. Mais on voulait le replacer sur l'album...
Aketo : Pour le remettre au grand jour. On l'a repris et on a réactualisé un peu les paroles parce qu'au départ il datait d'avant les événements en banlieue.
Tunisiano : On a aussi changé la prod... Quelque part, dans ce titre, y a une morale qu'est pas mal non plus. C'est qu'il vaut mieux aller voter au lieu de brûler le peu qu'on a.



R.A.P. R&B : JoeyStarr donne de la voix sur ce ceau-mor, mais c'est pas vraiment un featuring...


Blacko : Ouais, c'est plus un poussage, quoi ! Ca vient d'une demande de notre part. En plus, on était dans le même studio où on avait fait le morceay qui nous a un peu révélés (Exercice de style en 1999 sur le vol. 1 des compiles B.O.S.S., Ndlr). Et c'était un peu pour retrouver la magie. Ce soir-là, on lui avait envoyé notre manager de l'époque, Abibou, pour lui demander une ambiance. Et Joey, il nous avait tèj en l'air ! Il nous avait fait : "Ouais, non, j'veux que chaque groupe ait sa propre identité". On a fait le morceau, et Joey il a bien aimé la vibes. Et il se lève et demande à l'ingé : "Vas-y, mets une piste !" Et il rentre, il commence à faire ses trucs. Nous c'était le début, on était en mode wouuaiii ! En plus, on kiffait d'autant plus qu'il nous avait dit : "Non, j'veux pas". Et parce que le morceau, il lui parlait, il y est allé. Et là, on s'est retrouvés dans le même studio, 6 ans plus tard, à Puteaux, à Planète Sun, à r'faire la même chose. C'était pour se faire notre petite propulsion temporelle du passé. Style, là il est venu pour nous, alors qu'à l'époque...

 

R.A.P. R&B : Récemment, vous avez fait des feat avec L'Skadrille sur Bons moments. Tunisiano a posé sur le 2ème opus de Sinik, Blacko a fait Un jour de paix avec 113. C'était calculé pour faire monter l'buzz juste avant la sortie de votre nouveau skeud ?


Blacko : Non, c'est : On aime bien, on fonce !
Aketo : En plus, ce sont des gens avec qui on se croise depuis quelques années. Et puis, L'Skadrille, ça fait longtemps qu'on l'a enregistré le morceau. Juste, leur album a mis un peu de temps à sortir, et le hasard tombe bien puisque c'est sorti juste avant qu'on arrive. Ca prépare un peu le terrain, c'est bien...



R.A.P. R&B : Sur l'album, vous avez un morceau de 9 minutes 30 où vous abordez chacun des choses très personnelles...


Blacko : Ouais, c'est Fallait que j'te dise. C'est un titre qu'on voulait faire pour que nos proches entendent ce qu'on pense.
Aketo : Parce que souvent, dans la famille, y a un manque de communication. On se le montre mais on se le dit pas forcément...
Tunisiano : C'est toutes les choses qu'on n'a pas l'habitude de dire ou qu'on n'arrive pas à dire à des personnes qu'on aime vraiment. C'est pour ça que le morceau est super long parce que y a plein de choses à dire en fait...
Blacko : Souvent, t'as la maman, elle est en train de faire la vaisselle, tu la regardes et tu n'arrives pas à sortir le grand mot. On a mis 2 enfants qui le disent. Quand ils étaient là dans le studio, je leur ai fait : "Dites : je t'aime maman..." Et ils l'ont dit d'une simplicité de fou, alors qu'un homme de 40ans, 20ans ou 30 ans, il va avoir mal au cul avant de le lâcher bien clairement comme ça ! La conclusion de ça, c'est : Dis-le aussi simplement qu'un p'tit, à ta mère, à ton père, à tes frères, à tes soeurs. Attends pas de plus avoir le time.
Aketo : Moi, dans ce morceau, je m'adresse à chaque membre de ma famille...



R.A.P. R&B : Tu dis notamment à ta soeur que tu n'es pas un taliban. C'est par rapport à quoi ?


Aketo : En fait, j'dis : "J'fais pas le taliban, mais l'sang me monte à la tête juste le fait de penser qu'un fils de pute ait de mauvaises pensées". C'est un sentiment qu'à mon avis tous les grands frères ont vis-à-vis de leur p'tite soeur. A mon avis, c'est un sentiment de grand frère normal. J'suis pas non plus un tyran avec elle ! (Rires)



R.A.P. R&B : Dans le track qui a donné le titre à l'album, Trait pour trait, son sent pas mal d'amertume à l'égard de la scène rap...


Blacko : C'est pas de l'amertume. C'est un constat... On est à l'écart. Mais on se sent bien dans notre écart, notre grand écart en plus. On trouve qu'il y a un certain clonage dans le rap français. Y a eu une vague G-unitienne... J'me rappelle, y a 10 ans de ça, dans mon quartier, j'étais un Zoulou pour les gens. 10 ans plus tard, j'vois ces man-là, ils sont comme moi il y a 10 ans... J'ai l'impression de voir que les mêmes personnes partout. Même casquettes, mêmes boucles d'oreilles diamant, un bling bling des puces... J'deviens ouf ! Dans l'artistique, c'est pareil. C'est pour ça que j'écoute pas de rap français. J'écoute que Sniper, 113 et L'Skadrille. 113, par exemple, c'est street mais c'est pas gangsta...
Tunisiano : Le titre, Trait pour trait, ça explique que, malgré tout le temps qui est passé et les péripéties, malgré le succès, nous, au fond de nous-mêmes, c'est du trait pour trait. C'est kif-kif. On n'a pas tellement changé. On a juste pris des rides et de l'âge... On a beaucoup entendu pendant 3 ans : "Ouais, ne vous faites pas trop attendre, sinon les gens vont tourner la page et vont vous oublier". Et par rapport à ça, en gros, on voulait dire qu'on n'était pas dead...



R.A.P. R&B : Et ceux qui vous ont reproché d'être commercial ?


Blacko : Depuis qu'on fait du son, on a toujours fonctionné pareil. Y a aucun mec avec un cigare qui nous a écarté l'cul et qui nous a dit : "Ouais, faut faire ça comme ça, faites tel single ..." Quand on fait des morceaux, on pense même pas aux singles. Et puis, dès que tu commences à rapper, de toute façon t'es commercial, ouisque si tu le fait, c'est en espérant faire un maxi et le vendre. Alors ouais, on est commercial. Ouais, on a vendu du disque...
Aketo : Mais on se prend pas la tête là- dessus. Ca nous empêche vraiment pas de dormir.

R.A.P. R&B : Blacko, y a quelque chose qui a quand même changé chez toi depuis le dernier Sniper, c'est ton look. Ca veut dire que tu es encore plus dans la vibe reggae dancehall ?

Blacko : C'est pas la musique qui fait que je suis comme ça. Même si j'avais fait de la techno, j'aurais été comme ça. Ce sont des choix personnels, des convictions que j'avais déjà petit et qui ont été renforcées avec les 2 accidents de bécane que j'ai eus en 6 jours. Ca te fait réfléchir, tu cherches à savoir pourquoi t'es là... Le Blacko crâne rasé, lunettes Cartier, c'était le Blacko qui vivait pour les gens. Là, Blacko, y vit pour lui. La photo dans la pochette du 2ème album, Gravé dans la roche, jusqu'à aujourd'hui, je la regarde et j'arrive pas à m'analyser psychologiquement. J'me dis : Qu'est-ce qu'il m'a fait, le mec qui a pris la photo, pour que j'le regarde avec une tête de fâché comme ça ! On dirait que les accidents de scooter, c'est papa Jah, il est venu m'dire : "Vas-y, tombe pas dans l'bateau où y a plein de cons qui sont en train de ramer ! "Donc maintenant j'vis pour moi. Dans les clips, j'suis habillé comme tous les jours...

R.A.P. R&B : Tu as aussi écrit un morceau solo, Zamalia, que tu as dédié à la Réunion...

Blacko : Ouais, parce que c'est la musique qui m'a permis d'aller pour la 1re fois là-bas. La musique a ramené l'argent. J'ai pu aller à La Réunion, découvrir d'où je venais, et depuis, c'est le gros choc interplanétaire dans ma tête. J'vais finir là-bas. Dès que j'ai fini la promo et les concerts, j'vais partir m'installer sur l'île. Mais j'veux continuer la musique. Simplement, c'est la dernière fois que je vais porter le nom Blacko. Pour mes projets solos, je n'aurais pas le même nom. J'aime plus Blacko. J'voulais même changer pour l'album de Sniper qui arrive. On m'a déconseillé de le faire vu que les me connaissent comme ça. Mais je supporte plus. Déjà, Black Renégat, je l'ai mis sur le côté parce que j'avais 16 piges quand j'ai pris ça. Ca faisait Bioman, tu vois. J'l'avais pris sans vraiment savoir ce que ça voulait dire. Après, j'ai abrégé avec Blacko. Et là, Blacko, ça me stresse. J'veux m'appeler comme mon père me surnomme : Tikaf. A la Réunion, les kafs, c'est les Noirs africains. Et j'ai envie de me rapprocher grave de mes origines. On pense que la mère de mon père avait des origines du côté du Zimbabwe...
Aketo : Moi, j'm'appelle Aket depuis qu'j'ai 11 piges, et ça a jamais changé ! (Rires)


R.A.P. R&B : Et vous, Aketo et Tunisiano, c'est quoi le thème de vos solos ?

Aketo : Moi, ça s'appelle Retour aux sources. Je raconte comment j'ai découvert la culture hip-hop. J'fais des références à des choses à l'ancienne. C'est un truc qui me tenait à coeur, que j'voulais faire depuis longtemps. C'est une ambiance un peu nostalgique...
Tunisiano : Moi, c'est une réponse à tout ce qui s'est passé avec notre morceau La France. Je ne sais pas encore comment j'vais l'appeler. Ce sera peut-être Itinéraire d'une polémique. J'explique comment ça s'est passé vraiment. Parce que tous les gens pensent que les attaques viennent de Sarko à la base, alors qu'en fait ça vient pas d'lui, mais d'un groupe d'extrême droite qu'a mis la pression. Chaque fois qu'on jouait ce morceau sur scène, y avait un groupe des Jeunesses identitaires qui mettait la pression aux organisateurs. Ils ont fait des tracts en sortant des phrases de leur contexte pour faire leur propagande. Après, ça a fait boule-de-neige et c'est arrivé jusqu'à Sarkozy...

R.A.P. R&B : Pour la tournée à venir de Sniper, vous allez avoir un nouveau Dj ?

Blacko : Ouais on va tourner avec M.E.H. qui est sur le morceau S.N.I., l'intro et l'outro de l'album. Je précise en plus : intro scratchée one-shot ! Il est dangereux ce type !
Aketo : C'est un mec du 95, de Cergy.
Blacko : C'est un pote au grand frère à Tunisiano. Il bossait avec lui. Il a déjà fait des championnats DMC, mais il est pas connu. Il fait pas de soirées, mais il est technique. Mais faut pas dire que c'est le Dj de Sniper. C'est seulement le Dj qui accompagne Sniper sur scène...
Aketo : Ouais, c'est pas un nouveau membre du groupe.
Blacko : Sniper, c'est 3 personnes. Dans la formation initiale et finale.


R.A.P. R&B : Pour finir, qu'est-ce que vous diriez à ceux qui vont participer au concours R.A.P R&B pour écrire un texte ou freestyle sur le thème de Brûle ?

Aketo : Qu'ils réagissent aux derniers événements qu'il y a eus, comme le CPE ou les émeutes... Y a plein de choses à dire ! Les gens vont écouter et capter le délire dans la continuité de ce qu'on raconte. Qu'ils brûlent ça ! Qu'ils crachent leur venin ! Le contenu est très important...
Blacko : Qu'ils écrivent ce qu'ils pensent. Le rap, c'est ça. Et même si ça va se jouer sur papier, qu'ils fassent attention au flow, parce que y a quand même un flow à l'écrit...
Tunisiano : Faut pas que ce soit forcément un morceau ultranégatif. Faut juste relater des faits plutôt que de dire : "Ouais, faut tout cramer, faut tout baiser". Parce que le fait de dire ça quelque part, c'est tirer une balle dans l'pied ! On brûle nos quartiers, tout ce qu'il y a en bas d'chez nous. C'est un cri de colère, c'est un SOS, mais si y a vraiment autre chose à faire dans l'histoire, c'est voter.

Publié dans Sniper

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
c nule que des rape français
Répondre